Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/469

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et irrascible pontife : quelques mois s’étaient écoulés à peine qu’il se liguait avec Henri II contre l’empereur.

Si les États de Charles-Quint, et particulièrement les Pays-Bas et l’Italie, étaient désolés par la guerre que, depuis plus de trois ans, ils soutenaient contre la France, la détresse de ce dernier pays n’était pas moins grande; le besoin d’un arrangement qui mît un terme à tant de misères se faisait sentir à toutes les classes de la nation : Henri II et ses ministres ne l’ignoraient pas. Dès que l’hiver était venu suspendre les hostilités, le connétable de Montmorency avait eu recours au grand chancelier d’Angleterre, afin qu’il persuadât la reine de se porter médiatrice entre son maître et l’empereur; dans le même temps, le comte de Vaudemont avait fait des ouvertures de paix à Bruxelles de la part du cardinal de Lorraine[1]. La reine d’Angleterre, avant de se décider, voulut connaître les dispositions où était l’empereur. Charles n’avait cessé de désirer la paix; mais le caractère des Français lui inspirait une défiance extrême : « Je crois — disait-il à l’archevêque de Conza, nonce à sa cour — je crois que, quand même je leur donnerais le tiers de ce que je possède, ils n’en continueraient pas moins de m’inquiéter et de me causer des ennuis[2]; » il se déclara prêt toutefois à négocier et à envoyer des ambassadeurs en tel lieu neutre que la reine désignerait, quand le roi de France l’aurait fait de son côté[3]. Marie choisit, pour lieu des conférences, la bourgade de Marcq, dans la terre d’Oye, à une distance presque égale de Gravelines, d’Ardres et de Calais : Henri II s’y fit représenter par le connétable, le cardinal de Lorraine, Charles Marillac, évêque de Vannes, Jean de Morvillier, évêque d’Orléans, et le secrétaire d’État de l’Aubespine; Charles-Quint y députa le duc de Medinaceli, le comte de Lalaing, le seigneur de Bugnicourt, l’évêque d’Arras, le président Viglius, Lambert de Bryarde, président du grand conseil de Malines, et le secrétaire d’État Bave; le cardinal Pole, le chancelier Gardiner, le comte d’Arundel, le lord Paget y intervinrent comme médiateurs. Les conférences s’ouvrirent le 23 mai; il y en eut sept; la dernière se tint le 8 juin; les négociateurs se séparèrent sans avoir pu rien conclure.

Quelques semaines auparavant[4], Charles-Quint avait reçu la nouvelle de la mort de la reine Jeanne, sa mère. Il y avait près de cinquante ans que cette princesse infortunée avait perdu son époux et que sa raison s’était obscurcie : pour qu’elle atteignît un âge aussi avancé, il avait fallu toute la force de sa constitution, car sa manière de vivre était des plus étranges, et elle ne prenait nul soin de sa santé. Dans les derniers temps de son existence, elle se figurait que ses femmes lui faisaient toutes sortes d’avanies; elle avait un grand effroi d’un chat d’Afrique que son imagination lui représentait comme ayant été apporté par celles-ci dans son palais; elle racontait que cet animal avait mangé la reine Isabelle et mordu le roi Ferdinand. Elle succomba, le 12 avril 1555, à une maladie dont fut cause la corruption des humeurs engendrée chez elle par la manière dont elle vivait; tout son corps était couvert d’ulcères. Au moment suprême elle fut assistée du P. Francisco de Borja, qui, étant marquis de Lombay, avait conduit à la chapelle royale de Grenade les restes de l’impératrice Isabelle, sa belle-fille. Depuis le dérangement de sa raison, elle avait, en mainte circonstance, montré de l’éloignement pour les pratiques religieuses; les exhortations de Borja produisirent sur elle cét effet, qu’elle dit avec lui le Symbole des apôtres, se confessa, reçut l’extrême-onction avec de grandes marques de piété, demanda pardon à Dieu de ses fautes, repétant les termes du Credo à mesure que Borja les articulait, et rendit le dernier soupir en proférant ces paroles : Jésus-Christ crucifié, soyez-moi en aide. Charles-Quint

  1. Papiers d’Etat de Granvelle, tome IV, p. 343.
  2. « ..... Yo credo que quando bene yo loro donassi la terza parte di quanto tengo, essi però non finiriano d’inquietarmi et molestarmi sempre più..... » (Dépêche de l’archevêque de Conza du 18 novembre 1554 : reg. cité, fol. 263.)
  3. Dépêche de l’archevêque de Conza du 10 mars 1555 : reg. cité, fol. 308.
  4. (4) Le 9 mai.