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EN CANOT DE PAPIER.

Une réception beaucoup plus aimable m’attendait à mon arrivée à Staten-Island : un gentleman m’avait fait savoir par la poste que le canot et son propriétaire seraient les bienvenus chez lui. La mer avait cessé de baisser, et la marée se faisait déjà sentir sur le fleuve ; aussi, malgré le flux et le vent contre moi, et les ténèbres de la nuit qui s’épaississaient d’une manière lugubre, je donnai un bon coup de rame de cinq milles pour arriver jusqu’à l’entrée du détroit de Kill-van-Kull, qui sépare Staten-Island du New-Jersey et réunit la baie supérieure à celle du Raritan.

Les brillants rayons du phare de Robbin’s Reef, à un mille et un quart de l’entrée du détroit, me guidèrent dans ma route. Les crêtes des vagues commençaient à mouiller jusqu’aux chevilles de mes pieds ; il n’y avait donc pas de temps à perdre pour vider le bateau, car j’étais tout près d’un courant favorable, et, dès qu’il serait atteint, mon petit bateau voguerait dans des eaux plus propices. La marée, en pénétrant dans l’embouchure du Kill-van-Kull, emporta bientôt mon canot, et la mer, que j’avais contre moi, se changeant en un courant favorable, me porta dans ses bras puissants jusqu’au détroit d’eau salée, et j’arrivai à West-New-Brigton, où je pus reposer. Je pris à l’horizon des points de repère, figurés par trois peupliers, debout, comme des sentinelles, devant la maison du gentleman qui m’avait offert une si gracieuse hospitalité. Le canot fut allégé de son lest liquide et soigneusement épongé. Mon hôte et son fils l’emportèrent dans la plus grande salle de la maison, où tout le monde vint se grouper en