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EN CANOT DE PAPIER.

priété produisait de quatre à cinq mille boisseaux[1] de riz par an, et les princes du riz étaient devenus plus puissants que ceux du coton, qui, auparavant, avait été proclamé roi. Les bonnes terres, là, rendaient cinquante-cinq boisseaux à l’acre, par le travail forcé de l’esclave ; aujourd’hui, les noirs affranchis ne peuvent obtenir du sol plus de vingt-cinq à trente boisseaux.

De belles et anciennes maisons bordaient la rivière, mais les familles avaient été si appauvries par les malheurs de la guerre, que je vis des dames distinguées, qui avaient été élevées dans des pensionnats d’Édimbourg, occupées à surveiller le travail des noirs dans les rizières. L’indomptable énergie que ces femmes déployaient dans leurs maisons, actuellement désolées, excita mon admiration.

Une légère et gracieuse apparition, enveloppée dans un vieux châle et montée sur un vieux cheval, courait autour de la plantation comme un feu follet.

« Le père de cette dame, me dit-on, était propriétaire de trois plantations d’une valeur de trois millions de dollars avant la guerre ; sur l’une d’elles se trouve un moulin à riz qui a coûté trente mille dollars. La jeune dame que vous venez d’entrevoir lutte aujourd’hui contre la mauvaise fortune, et elle n’abandonne pas la partie. Si ce n’eut été la passion de nos femmes, la guerre civile n’eût pas duré six mois ; elles ont poussé des milliers de jeunes gens à la bataille ; mais maintenant qu’elles ont tout perdu, elles vont bravement au travail,

  1. Trente-six litres au boisseau.