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EN CANOT DE PAPIER.

pourrait bien se réveiller et être pratiqué, si avant longtemps l’Église ne se donne pas la peine de veiller sérieusement sur ses missions intérieures.

Dans tous mes voyages dans le Sud, en dehors des villes, il ne m’a pas été donné de trouver un blanc éclairé se vouant à l’enseignement des nègres ; partout cependant les pauvres noirs se rassemblent dans des baraques ou chapelles en bois grossièrement construites, pour écouter des prédicateurs de leur propre couleur. L’aveugle conduit l’aveugle. Quelques hommes de race nègre, ayant du sang blanc dans les veines, et qui ne sont pas plus nègres que blancs dans le vrai sens du mot, sont envoyés des collèges nègres du Sud pour faire des conférences aux congrégations du Nord sur les besoins de leur race. Ces hommes, qui sont depuis un quart jusqu’à trois quarts blancs, sont considérés, à cause de leur talent oratoire, comme le vrai type de la race noire par les gens du Nord, tandis qu’en réalité, entre le noir pur sang et le faux représentant de ses besoins, il y a autant de différence qu’il est possible d’en imaginer.

Un Irlandais, nouveau débarqué du vieux pays, écoutait un soir l’éloquence fascinante d’un mulâtre affranchi. Le brave Irlandais n’avait jamais vu de véritable noir. L’orateur disait : « Je ne suis qu’à moitié nègre ; ma mère était une esclave, et mon père un planteur blanc. — Ah ! dit l’Irlandais étonné et charmé par la parole du prédicateur, si vous n’êtes qu’à moitié nègre, qu’est-ce que ce serait si vous étiez complètement noir ? »