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chapitre quatorzième.

de graines brillantes et curieuses propres à satisfaire leur gourmandise.

À mesure que la petite Maria-Theresa se frayait un chemin à travers la forêt ouverte, et sous la voûte de ces beaux arbres, au milieu des marais humides et couverts de pins, mes pensées se reportaient sur la modeste existence de Concord, le savant naturaliste. Combien il eût été heureux de descendre cette rivière sauvage depuis le marais jusqu’à la mer ! Il nous a quittés pour des joies plus pures, mais je pouvais encore lire avec plaisir son Walden, comme s’il eût vécu, et relire ses études sur la nature avec un intérêt toujours croissant.

Les marais ont leur caractéristique particulière. Ceux du Waccamaw avaient un air tout à fait morne, tandis que ceux du Sainte-Marie resplendissaient des rayons du soleil aux yeux du voyageur. Dès que le canot eut recommencé son trajet sur la rivière, un bruit aigu, semblable à celui que ferait un homme en frappant l’eau avec une large pelle, attira mon attention. Comme ce bruit se répéta un grand nombre de fois, et toujours à l’avant de mon bateau, j’en voulus savoir la cause. C’étaient des alligators qui se jetaient à l’eau ; ils la battaient de leur queue, à mesure qu’ils plongeaient dans la rivière, pour fuir le perturbateur de leur sécurité. Afin de bien observer les mouvements de ces reptiles, je rapprochai le canot à quelques pieds de la rive gauche, et par un mouvement accéléré de mes avirons, j’arrivai face à face avec l’un de ces monstres, qui se jeta à l’eau sous le regard qui le fixait avec fermeté. L’alligator abaissa sa vilaine tête, fouetta l’eau de sa queue, et plongea sous le canot