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EN CANOT DE PAPIER.

ses infortunés citoyens. Voulant faire fidèlement son devoir, le fonctionnaire estima à deux mille acres de terre le territoire usurpé ; mais à son extrême étonnement, le malin délinquant affirma énergiquement qu’il en avait exploité au moins cinq mille ; enfin, il régla définitivement en payant deux mille cinq cents dollars, dont il se fit délivrer quittance.

« Lorsque cet habile homme d’affaires fit un voyage à Jacksonville, ses amis le raillèrent de son aveu. Le vrai patriote cligna de l’œil et répliqua :

« C’est vrai, j’ai un reçu du gouvernement pour l’exploitation de cinq mille acres de bois, au prix très-modeste de cinquante cents par an. Je n’ai encore fait d’abatis que sur le cinquième de la superficie ; je compte donc bien continuer l’exploitation des quatre mille acres qui restent à ma disposition, mais personne ne m’arrêtera maintenant que j’ai le reçu du gouvernement qui prouve que c’est payé ! »

Le sloop et le canot avaient quitté Columbus un peu avant midi, et à six heures du soir nous passâmes devant le bac Charles, où l’ancienne route frontière Saint-Augustin et Jallahassee traverse la rivière. Sur ce point solitaire, un homme âgé, mort maintenant, possédait une source souterraine assez puissante pour faire tourner la roue d’une scierie. La hauteur de l’eau me permit de ramer jusqu’au moulin avec mon canot.

À sept heures et demie du soir, une cabane en bois abandonnée, située près du bac Barrington, nous offrit un refuge pour la nuit. Pendant toute la journée du lendemain, nous dûmes explorer les cours d’eau de ces