Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les eaux plus profondes, où ceux-ci se garent du froid.

Le canot traversa d’abord le fort du jusant et entra dans des eaux où, venant du côté opposé, la marée prit le canot par le travers. J’arrivais à la jonction des deux courants, lorsqu’une rafale vint à souffler par l’ouverture de la côte, et quoiqu’elle ne fût pas très-violente, elle produisit cependant une grande agitation dans les flots. La périlleuse expérience que j’avais faite à la passe Watchapreague m’avait enseigné que dans une mer pareille, on doit ramer avec toute sa force, et qu’une augmentation momentanée de vitesse pouvait donner une plus grande légèreté au canot ; soumis à ce traitement, il bondissait d’une vague irrégulière à une autre, avec une sûreté qui calma mon anxiété. Le danger semblant diminuer, je lançai un regard furtif, par-dessus mon épaule, vers les dunes basses du rivage, afin de savoir à quelle distance la marée m’avait entraîné dans la passe. Sous le vent, l’écume des flots me révéla la présence d’un bas-fond, et me força à ramer vigoureusement afin de rentrer dans le Sound et de n’être pas jeté sur les brisants. Ce danger était à peine passé, lorsque tout à coup les flots qui m’entouraient entrèrent en ébullition ; de petites vagues s’entr’ouvraient et se refermaient en clapotant. En même temps, de grandes créatures s'élevaient du fond de l’eau à plusieurs pieds en l’air, et retombaient lourdement dans la mer. Ma mince petite barque roulait et tanguait à l'aventure, lorsque ces animaux apparaissaient et disparaissaient en s’élançant du sein des vagues, plongeant sous le bateau et réappa-