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EN CANOT DE PAPIER.

du directeur du chemin de fer de Newbern, qui m’offrait un passage gratuit par le premier train du lendemain.

Je crains d’abuser de la patience du lecteur qui a bien voulu me suivre depuis les régions glacées du Saint-Laurent jusqu’ici ; mais, n’était la crainte qu’il me fausse compagnie, je me donnerais le plaisir de lui racconter en détail comment j’ai passé une semaine à Newbern ; comment on venait, même de l’intérieur, pour voir le canot de papier ; comment, doutant de ma véracité, des gens se cachaient sournoisement pour le gratter avec la lame de leur couteau, ne tenant pas compte qu’il avait encore à naviguer dans beaucoup de passes dangereuses, et que son propriétaire devait naturellement préférer qu’il restât solide et étanche, plutôt que lardé de coups de couteau. Les vieillards eux-mêmes n’étaient pas moins enthousiastes, et lorsque je venais à m’éloigner de mon petit bateau, une ambition insurmontable s’emparait d’eux ; au risque de le détruire, ils montaient dans la frêle coquille, qui était déposée sur le plancher. Je ne pus faire comprendre à un habitant de Newbern que lorsque le bateau était dans l’eau, il reposait sur toute sa coque, mais que, hors de l’eau, il n’avait plus pour support qu’un étroit petit morceau de bois.

« Par saint Georges, disait ce gros personnage a l’oreille d’un de ses amis, j’ai dit à ma femme que je monterais dans ce canot, quand même je devrais lu1 faire des avaries.

— Et, ami, qu’a dit la dame ?