Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/239

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chapitre onzième.

J’avais franchi dix milles de ce sombre paysage, quand je vis paraître des indices de civilisation sous la forme d’une maison d’aspect sombre, à deux étages, bâtie sur une pointe de la grande terre, qui s’avançait dans le marais et située sur la rive gauche de la rivière. À cet endroit, elle s’élargissait de trois cents à quatre cent trente pieds environ, et par intervalle, la terre se montrait à quelques pouces au-dessus de l’eau. Partout où les pins poussaient jusqu’au bord de la rivière, des toits à porcs servaient d’abri et de refuge aux animaux que les crackers blancs envoyaient chercher leur nourriture parmi les racines et les glands de la solitude.

Le bac Reeve, avec son magasin et sa distillerie de térébenthine, à vingt milles de Old-Dock, fut le premier signe que j’aperçus de la présence de l’homme au milieu de ce marais. La rivière s’élargissait sensiblement quand je m’approchai du bac Piraway, qui est à deux milles en aval de la ferme du même nom. Me rappelant les conseils du squire relativement « aux affreuses sorcières des grands bois de pins », je fis bonne garde contre les mégères qui devaient me causer tant d’ennuis, mais les mariniers m’expliquèrent que, quoique Jim-Gore eût dit la vérité, je n’avais pas compris sa façon de prononcer le mot reaches, ou coudes de la rivière, parce que dans ces parages on les nomme wretches[1]. Les coudes auxquels M. Gore faisait allusion étaient si longs et si droits, qu’ils formaient des passages où le vent s’engouffrait en causant bien des peines aux bateliers qui conduisent

  1. Coquines.