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Êtres bienfaisants ou neutres

Je pouvais avoir alors dix ou onze ans. Jamais moi et mon pauvre père n’avons dit mot, même entre nous, de ce que nous avions vu tous deux. Mais je voulais revoir l’Homme Vert. Bien souvent, je m’en allai seul, sous les Rochers des Bohèmes et de l’Hôpital. Pendant tout un mois, j’espérai, sans rien voir ni rien entendre. Pourtant, je pensais toujours :

— « Il faut que je revoie l’Homme Vert. »

Un soir, vers les deux heures, j’avais grimpé, comme un chat, jusqu’au haut des Rochers de l’Hôpital, où j’avais vu l’Homme Vert. Là, je m’étendis à l’ombre, au pied du vieux rempart, et je m’endormis.

Le bruit de l’orage me réveilla. Je regardai le ciel. Il était noir comme l’âtre. Toutes les cloches de la ville sonnaient, pour conjurer le mauvais temps. Les éclairs m’aveuglaient, et je sentais l’odeur de la terre au premier moment de la pluie.

Tout-à-coup, ce fut un déluge. Serré contre le rempart, j’écoutais les grands coups de tonnerre, et le bruit des eaux. Pourtant, je n’avais pas peur, et j’étais content de voir des choses qui n’arrivent pas chaque jour. Enfin, la colère de la tempête tomba. Le vent emporta les mauvais nuages, et je revis le soleil.

J’allais rentrer chez nous, quand j’entendis du bruit au-dessus de ma tête. C’était l’Homme Vert,