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SUPERSTITIONS

son maître, les foires des Grandes-Landes, et celles de la Montagne[1] depuis Bayonne jusqu’à Perpignan. Plus tard, il travailla pour son compte, et se fit ensuite contrebandier.

À cette vie, mon oncle apprit force choses, qui lui servirent plus tard. Il comprenait et parlait fort bien les langages des divers pays où il avait voyagé. Il savait tous les chemins qu’il faut suivre, pour ne pas rencontrer les gendarmes. Il connaissait les métairies où l’on trouve, en payant bien, le souper et la couchée, sans crainte d’être vendu. Mon oncle faisait souvent des présents aux dames dont les maris étaient en place : bijoux d’or, étoffes de soie. Plus d’une fois, il leur prêta même de l’argent, dont il n’a jamais revu la couleur. Voilà comment mon oncle devint riche de plus de soixante mille francs, sans être jamais tourmenté, ni mis en prison.

Quand la grande Révolution chassa les prêtres et les nobles, le brave homme changea de métier. Il gagna, comme qui vole, à conduire secrètement en Espagne, les gens que l’on traquait partout, pour les faire guillotiner. Je parie qu’en ce temps-là seulement, il eût amassé près de quarante mille francs, s’il n’avait pas été forcé d’en

  1. Les Pyrénées.