Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/132

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au bas de cette page, comme ils sont marqués dans l’acte qui en fut dressé le 25 sept. 1650.

Ce fut en présence de tout ce monde que M. Puys ne fit autre chose que déclarer que ce qu’il avait écrit ne s’adressait point aux Pères Jésuites ; qu’il avait parlé en général contre ceux qui éloignent les fidèles des paroisses, sans avoir pensée d’attaquer en cela la Société, et qu’au contraire il l’honorait avec amour. Par ces seules paroles, il revint de son apostasie, de ses scandales et de son excommunication, sans rétractation et sans absolution ; et le P. Alby lui dit ensuite ces propres paroles : Monsieur, la créance que j’ai eue que vous attaquiez ! la Compagnie, dont j’ai l’honneur d’être, N’a fait prendre la plume pour y répondre ; et j’ai cru que la manière dont j’ai usé M’ETAIT PERMISE. Mais, connaissant mieux votre intention, je viens vous déclarer QU’IL N’Y A PLUS RIEN qui me puisse empêcher de vous tenir pour un homme d’esprit très éclairé, de doctrine profonde et ORTHODOXE, de mœurs IRREPREHENSIBLES, et en un mot pour digne pasteur de votre église. C’est une déclaration que je fais avec joie, et je prie ces Messieurs de s’en souvenir.

Ils s’en sont souvenus, mes Pères ; et on fut plus scandalisé de la réconciliation que de la querelle. Car qui n’admirerait ce discours du P. Alby ? Il ne dit pas qu’il vient se rétracter, parce qu’il a appris le changement des mœurs et de la doctrine de M. Puys ; mais seulement parce que, connaissant que son intention n’a pas été d’attaquer voire Compagnie, il n’y a plus rien qui l’empêche de le tenir pour catholique. Il ne croyait donc pas qu’il fût hérétique en effet ? Et néanmoins, après l’en avoir accusé contre sa connaissance, il ne déclare pas qu’il a failli, mais il ose dire, au contraire, qu’il croit que la manière dont il en a usé lui était permise.

A quoi songez-vous, mes Pères, de témoigner ainsi publiquement que vous ne mesurez la foi et la vertu des hommes que par les sentiments qu’ils ont pour votre Société ? Comment n’avez-vous point appréhendé de vous faire passer vous-mêmes, et par votre propre aveu, pour des imposteurs et des calomniateurs ? Quoi ! mes Pères, un même homme, sans qu’il se passe aucun changement en lui, selon que vous croyez qu’il honore ou qu’il attaque votre Compagnie, sera pieux ou impie, irrépréhensible ou excommunié, digne pasteur de l’Église, ou digne d’être mis au feu, et enfin catholique ou hérétique ? C’est donc une même chose dans votre langage d’attaquer votre Société et d’être hérétique ? Voilà une plaisante hérésie, mes Pères ! Et ainsi, quand on voit dans vos écrits que tant de personnes catholiques y sont appelées hérétiques, cela ne veut dire autre chose, sinon que vous croyez qu’ils vous attaquent. Il est bon, mes Pères, qu’on entende cet étrange langage, selon lequel il est sans doute que je suis un grand hérétique. Aussi c’est en ce sens que vous me donnez si souvent ce nom. Vous ne me retranchez de l’Église que parce que vous croyez que mes lettres vous font tort ; et ainsi il ne me reste, pour devenir catholique, ou que d’approuver les excès de votre morale, ce que je ne pourrais faire sans renoncer à tout sentiment de piété, ou de vous persuader que je ne recherche en cela que votre véritable bien ; et il faudrait que vous fussiez bien revenus de vos égarements pour le reconnaître. De sorte que je me trouve étrangement engagé dans l’hérésie, puisque la pureté de ma foi étant inutile pour me retirer de cette sorte d’erreur, je n’en puis sortir, ou qu’en trahissant ma conscience, ou qu’en réformant la vôtre. Jusque-là je serai toujours un méchant ou un imposteur, et quelque fidèle que j’aie été à rapporter vos passages, vous irez crier partout : qu’il faut être organe du démon pour vous imputer des choses dont il n’y a marque ni vestige dans vos livres ; et vous