Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/136

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Louis XVIII s’était ménagé entre les partis, et il s’en félicitait à son heure dernière. Qu’y avait-il gagné ? De mourir tranquille, à peu près comme le dernier villageois de son royaume. Pauvre triomphe, et à la portée des plus chétives ambitions ! Quel enfantillage dans cette vanité des grands de la terre ! Voici un roi qui résiste au choc des factions faute de puissance pour les vaincre, et de courage pour être vaincu par elles ; de concessions en concessions, il alonge son règne, il alonge sa vie ; en échange des plaisirs, non pas donnés, mais promis à ses sens altérés ; il livre à une femme le gouvernement de sa propre maison, après avoir abandonné à ses ministres le soin de céder en son nom, à sa place, tout ce qu’il consent à perdre de la royauté, et lorsqu’enfin, vieux, infirme, éreinté, à bout de voluptés amères, consumé de désirs trompeurs, il sent la vie se retirer de lui…, il se redresse sur ce trône qu’il ne peut léguer à son frère que dans la tempête, et sur le point de mourir, il se vante !

On raconte qu’assis sur le fauteuil où il allait s’éteindre, entouré de hauts personnages qui pleuraient, et tout pâle de sa mort prochaine, il fit venir le plus jeune, le plus frèle d’entre les princes de sa famille, et qu’alors les mains étendues sur la tête de l’enfant courbé sous sa bénédiction, il dit : « Que mon frère ménage la couronne de cet enfant. »