Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/151

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ment où le dix-huitième siècle sembla revivre tout entier dans le dix-neuvième ; et le sarcasme, qui était monté jusqu’aux rois, monta jusqu’à Dieu.

Le monde matériel ne fut pas moins troublé que le monde moral. De même qu’en matière de politique et de religion, la bourgeoisie avait sacrifié presque complètement l’autorité à la liberté, la communauté des croyances à l’indépendance absolue de l’esprit, la fraternité à l’orgueil ; de même, en matière d’industrie, elle sacrifia l’association à la concurrence, principe dangereux qui transforme l’émulation en une guerre implacable, consacre tous les abus de la force tourmente le riche de désirs insatiables, et laisse mourir le pauvre dans l’abandon. Aussi, avec la concurrence, devaient se développer rapidement dans la bourgeoisie la soif immodérée des richesses, l’ardeur des spéculations, le matérialisme, en un mot, dans tout ce qu’il a de cruel et de grossier. Augumenter la masse des biens sans tenir compte de leur répartition, tel fut le résumé des doctrines économiques adoptées par le libéralisme. Elles étaient sans entrailles, ces doctrines, elles éloignaient l’intervention de tout pouvoir tutélaire dans l’industrie ; elles protégeaient le fort, et laissaient l’existence du faible à la merci du hasard. Qu’on ne s’étonne pas, après cela, si la bourgeoisie oublia ce qu’elle devait à ces hommes du peuple qui l’avaient toujours soutenue. Hélas ! ils allaient