Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/204

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concours de monde ; mais la nouvelle du jour occupait tous les esprits. M. Arago resolut de ne point prononcer son discurs : il en aurait donné pour motif la gravité de la situation. Plusieurs de ses collègues l’engageaient vivement à cet acte de courage.

Quelqueq-uns, et parmi ceux-ci M. Cuvier, homme plus grand par l’intelligence que par le cœur, lui représentaient au contraire qu’en de telles circonstances, son silence factieux, et qu’il devait à l’ordre public, qu’il se devait à lui-même de ne pas compromettre dans des luttes du parti la majesté de la science. Sur ces entrefaites, M. Villemain parut, et il s’engagea entre lui et M. Cuvier un débat d’une violence extrême. M. Arago se décida enfin à parler ; mais il eût soin d’introduire dans l’éloge de Fresnel d’ardentes allusions aux choses du moment. Elles excitèrent dans l’assemblée un sombre enthousiasme.

Les rentes avaient baissé, les paroles de M. Arago étaient applaudies ; la vieille monarchie eût donc contre elle, dès le premier jour, l’argent et la science de toutes les puissances humaines, la plus vile et la plus noble.

Mais elle avait défié un pouvoir plus formidable encore. Menaces dans leur propriété, dans leur importance politique, dans leur liberté peut-être, les journalistes s’étaient réunis tumultueusement dans les bureaux du National. Quel parti prendre ? Jeter dans les rues un long cri d’alarme, déployer le drapeau tricolore, soulever les faubourgs, attaquer en un mot la royauté par le glaive, les rédacteurs de la Tribune l’auraient osé ; mais les écrivains des feuilles