Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/205

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libérales ne poussaient pas encore si loin l’ardeur de leurs convictions. Remplis des souvenirs de 93, ils auraient volontiers demandé à une révolution de place publique la protection de leurs intérêts menacés, s’ils n’eussent craint de déchaîner d’irrésistibles tempêtes. D’ailleurs, pouvaient-ils espérer qu’ils associeraient aux ressentiments de la bourgeoisie les passions de la multitude ? Les ateliers fourniraient-ils à la cause d’une chambre où le peuple n’avait pas de représentants, à celle d’une presse qui n’avait pas encore donné un seul publiciste à la pauvreté, un nombre suffisant de soldats et de martyrs ? Parmi les écrivains rassemblés au National, quelques-uns venaient de traverser Paris : rien n’y annonçait l’approche des orages populaires. On avait dit : Le peuple ne remue pas. Et ce mot était bien propre à glacer les courages.

Aussi ne songea-t-on qu’à protester au nom de la Charte, et la protestation des journalistes, telle que la rédigèrent MM. Thiers, Châtelain et Cauchois-Lemaire, ne fut, en effet, qu’un intrépide et solennel hommage rendu à l’inviolabilité de la loi. On y opposait au pouvoir dictatorial des ordonnances l’autorité du pacte fondamental on y invoquait contre les modifications arbitrairement introduites, soit dans le régime électif, soit dans la constitution de la presse, non seulement les termes de la Charte, mais les décisions des tribunaux et la pratique suivie jusqu’alors par le roi lui-même ; enfin, la violation de la légalité par le gouvernement y était présentée comme la consécration d’une désobéissance qui devenait par là nécessaire, légitime, et en quelque