Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/208

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seurs de coups d’état invoquaient la Charte, eux aussi, et qu’entre le pouvoir et l’opinion il n’y avait pas de juge ; qu’il fallait attendre les événements, laisser à l’indignation publique le temps de se déclarer, ou plutôt, à la royauté trompée celui de rentrer dans une voie meilleure. Et tout cela, il le disait avec un geste dominateur, avec un accent passionné. En fallait-il davantage pour briser le ressort des âmes dans un moment où l’hésitation pouvait sembler naturelle ? Vainement MM. de Schonen, de Laborde et Villemain qui avaient été envoyés par leurs collègues dans la réunion des électeurs, en rapportèrent-ils de vives exhortations au courage, rien ne fut décidé. Casimir Périer, qui ne cherchait qu’à contenir les esprits, offrit sa maison pour le lendemain. On se sépara

Quel était donc cet homme qui se présentait ainsi comme médiateur entre les libéraux et le trône, à cette heure solennelle ? Casimir Périer avait la taille haute et la démarche assurée. Sa figure naturellement douce et noble, était sujette à des altérations subites qui la rendaient effrayante. L’ardeur mobile de son regard, l’impétuosité de son geste, son éloquence fiévreuse, les fréquents éclats de sa colère fougueuse jusqu’à la frénésie, tout semblait révéler en lui un homme né pour exciter des orages. Mais l’élévation manquait à son esprit, et la générosité à son cœur. Il n’avait pas ce dévouement sans lequel l’art de dominer n’est plus qu’un charlatanisme illustre. Il ne haïssait l’aristocratie que par l’impuissance de s’égaler à elle, et le peuple soulevé n’apparaissait à son imagination malade que comme