Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/219

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de ces législateurs immobiles. Et ils purent s’en convaincre ; car, de leur cénacle, ils entendirent le pas des chevaux retentir sur le pavé ; et des jeunes gens qui venaient encourager Casimir Périer, l’applaudir, furent chargés par des gendarmes sous ses fenêtres, et vinrent tomber sanglants contre les portes fermées de son hôtel.

À sept heures du soir il n’y avait pas eu encore d’engagement bien sérieux. Des pierres avaient été lancées contre les gendarmes sur la place du Palais-Royal. Dans la rue du Lycée, les troupes avaient fait feu après quelque hésitation, et un homme avait été tué. Dans la rue Saint-Honoré, un coup de fusil, parti des fenêtres d’un hôtel et tiré par un étranger, avait provoqué une décharge qui avait tué cet étranger et ses deux domestiques. Enfin, une barricade avait été construite à quelques pas du Théâtre-Français, et des lanciers avaient parcouru, le sabre à la main, les rues voisines, où quelques personnes furent blessées. Ce n’était qu’une insurrection essayée. Mais la physionomie de la ville était lugubre, et Paris ressentait déjà ce frémissement précurseur d’une grande lutte. La foule regorgeait dans les rues, poussée par une curiosité sombre. Quelques boutiques d’armuriers venaient d’être pillées ; deux barricades nouvelles coupaient la rue Saint-Honoré, et, pour les détruire, un détachement de la garde accourait du côté de la Madeleine, tandis qu’un bataillon du 15e léger partait, pour aller à sa rencontre, du marché des Innocents. Des fusils étincelaient d’un bout à l’autre de la rue Saint-Denis, et des cris de Vive la ligne sortaient du sein de ce