Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/238

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Un élève de l’École polytechnique, M. Charras, était sur la rive gauche, l’épée à la main. Il hérita du fusil d’un ouvrier qui venait de recevoir, à ses côtés, une balle dans la poitrine ; mais les munitions manquaient. Un enfant de quinze ou seize ans s’approche de M. Charras, et lui montrant un paquet de cartouches : « Nous partagerons, si vous voulez, mais à condition que vous me prêterez votre fusil, pour que je tire ma part. » Le fusil lui est remis, et il court se placer sur le tablier. En ce moment un peloton de gardes royaux s’avança sur le pont. Les insurgés disparurent dans les rues qui débouchent sur le quai, et, au milieu d’eux, l’intrépide enfant. Ce fut sur ce même champ de bataille que fut poussé, par un jeune homme qui portait un drapeau tricolore, ce cri héroïque : « Mes amis, si je meurs, souvenez-vous que je me nomme d’Arcole. » II tomba mort, en effet ; mais le pont qui reçut son cadavre a, du moins, gardé son nom.

A quelques pas de ce champ de bataille, des étudiants élevaient des barricades. Puis, c’étaient des tambours de la garde nationale qui couraient ça et la, battant le rappel et la générale. Des spectacles singuliers venaient quelquefois se mêler à tout ce qu’un pareil drame avait de terrible. Dans la rue Saint-Andre-des-Arts, par exemple, on vit une colonne de quinze ou vingt hommes, conduite par un violon. Les femmes étaient aux croisées, applaudissant à tout homme armé qui passait. À ces encouragements s’en joignaient d’autres d’une nature différente, et particulièrement adressés aux troupes. On répandait de petits imprimés conte-