Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/242

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let tiré à bout portant l’étend mort à &es pieds. Les troupes royales continuèrent leur marche, mais derrière elles la foule s’amoncelait ; les arbres des boulevards tombaient sous la hache, et d’énormes barricades construites avec une étonnante rapidité venaient enlever aux soldats tout espoir de retour. Sur la place de la Bastille, M. de Saint-Chamans rencontra un rassemblement nombreux composé en partie de femmes et d’enfants. « Du travail ! du pain ! » tels étaient les cris qui fortaient du sein de ce rassemblement. Ceux qui le formaient étaient presque tous sans armes. Chose étrange ! Pendant qu’ailleurs le peuple combattait avec des cris dont il ignorait le sens, sur la place de la Bastille il poussait son vrai cri de guerre sans songer à se battre ! M. de Saint-Chamans s’avança au milieu des groupes, et distribua tout l’argent qu’il portait sur lui, tandis que ses troupes se formaient en bataille. Cependant, il fallait que la colonne, pour remplir sa mission entrât dans la rue Saint-Antoine et la parcourût jusqu’à l’Hôtel-de-Ville. Quand les troupes s’ébranlèrent pour exécuter ce mouvement, un feu si vif partit de tous les angles des rues voisines, que M. de Saint-Chamans prit le parti de regagner les Tuileries par les boulevards du sud. Il alla passer la Seine au pont d’Austerlitz, ne laissant sur la place de la Bastille qu’un détachement de cuirassiers. Ce détachement fut rejoint par le 50e de ligne et se dirigea avec lui sur l’Hôtel-de-Ville par la rue Saint-Antoine. Ce fut un trajet long et sanglant. Des barricades s’élevaient de distance en distance ; des groupes de tirailleurs invisibles faisaient pleuvoir sur les troupes