Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/261

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comme le moyen ne paraissait pas encore assez rassurant, on proposa de grossir cette liste des noms de tous les députés libéraux absents de Paris. « Voilà qui est fort bien vu, dit M. Laffitte d’un ton railleur : si nous sommes vaincus, personne n’aura signé ; si nous sommes vainqueurs, les signatures ne manqueront pas. » M. Dupin aîné n’assistait point à cette réunion. Son nom fut porté sur la liste, mais rayé par M. Mauguin, qui paraissait craindre de la part de son collègue une réclamation violente en cas d’insuccès. Les députés, en se retirant, eurent à traverser une foule que leur conduite remplissait d’indignation. M. Sébastiani, entr’autres, fut poursuivi par cette malédiction populaire qui, deux jours après, se perdait dans des chants de triomphe. Leçon éternellement stérile !

Le général Vincent qui, en compagnie du général Pajol, avait parcouru divers quartiers de cette ville en feu, partit pour Saint-Cloud dans la soirée. Il allait rendre compte à Charles X de ses impressions, et lui apprendre que la situation s’assombrissait de plus en plus ; qu’on n’avait reçu des nouvelles ni du comte de Saint-Chamans ni du général Talon ; que les troupes étaient sans vivres, qu’elles mouraient de soif, et ne trouvaient sur leur passage que visages menaçants ou portes fermées. Un courtisan que le général Vincent rencontra en route et auquel il fit part de ces tristes détails, trouva moyen de le devancer à Saint-Cloud, pour l’y démentir d’avance, bien sûr de faire sa cour au monarque en le tenant en garde contre la vérité. Charles X reçut donc avec froideur les renseignements douloureux, mais fidè-