Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/308

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plois, conféraient des dignités. Le nombre fut grand de ceux qui, sur la foi de je ne sais quelles réminiscences de collége, révèrent alors le rôle de Sylla ; et à côté de quelques jeunes gens au courage réfléchi, et désintéressés dans leur audace, on vit paraître des ambitieux de hasard en qui la hardiesse n’était que l’ignorance des obstacles ou le vertige de la vanité. Leur règne fut court, parce qu’il faut pouvoir beaucoup lorsqu’on s’avise de beaucoup oser ; mais il fut réel, et donna lieu à des scènes d’une bouffonnerie sans exemple. Dans la salle Saint-Jean, on se partageait à l’amiable l’administration de la France. Des solliciteurs y venaient à tout instant s’incliner devant l’omnipotence des dominateurs du lieu. Là M. Dumoulin exerçait l’empire de son chapeau à plumes et de son brillant uniforme. Il s’était promu au grade de commandant de l’Hôtel-de-Ville, et il en remplit jusqu’à un certain point les fonctions. M. Alexandre de Laborde s’étant présenté, cherchant une place dans la victoire, le commandant de l’Hôtel-de-Ville le nomma préfet de la Seine, au roulement du tambour, et avec un admirable sang-froid. M. de Montalivet, qui était absent de Paris pendant la lutte, vint à son tour à l’Hôtel-de-Ville faire connaître ses espérances. Mais ce fut à M. Baude qu’il s’adressa. Il réclama la direction des ponts-et-chaussées, déclarant toutefois que, si M. Baude se l’était réservée, il la lui abandonnerait volontiers. M. Baude répondit en homme qui ne se croit ni le droit de donner ni celui de prendre. Ainsi cette étrange révolution était venue montrer, dans l’espace de quelques jours, les divers aspects des choses