Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/361

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était en état de donner aux événements, il suffit de rapprocher des circonstances où elle fut écrite, la lettre suivante, adressée par lui au duc de Mortemart et remise à M. de Sussy :

« Monsieur le duc,

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, avec tous les sentiments que votre caractère personnel m’inspire depuis long-temps. M. le comte de Sussy vous rendra compte de la visite qu’il a bien voulu me faire ; j’ai rempli vos intentions en lisant ce que vous m’adressiez à beaucoup de personnes qui m’entouraient ; j’ai engagé M. de Sussy à passer à la commission, alors peu nombreuse, qui se trouvait à l’Hôtel-de-Ville. Il a vu M. Laffitte[1] qui était alors avec plusieurs de ses collègues, et je remettrai au général Gérard les papiers dont il m’a chargé ; mais les devoirs qui me retiennent ici rendent impossible pour moi d’aller vous chercher. Si vous veniez à l’Hôtel-de-Ville, j’aurais l’honneur de vous y recevoir, mais sans utilité pour l’objet de cette conversation, puisque vos communications ont été faites à mes collègues. » Il y avait dans cette lettre une sorte de sincérité voilée dont s’accommodent malaisément les passions de parti. Un chef capable d’écrire de telles lignes, dans un tel moment, eût été bien vite calomnié. Poursuivi comme suspect, il eût été bien près d’être frappé comme traître. Les hommes de révolution n’ont pas assez de loisir pour soupçonner long-temps.

  1. M. de Lafayette commettait ici une erreur. Au reste, le manuscrit à cet endroit porte une rature.