Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/388

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avec la politesse d’un gentilhomme charmé de faire à un prince les honneurs d’une souveraineté toute populaire. Ils entrèrent l’un et l’autre dans la grande salle, où se trouvait rassemblé l’état-major. Quelques élèves de l’École polytechnique attendaient, la tête haute et l’épée nue. Une douleur morne se peignait sur la figure des combattants de la veille, dont quelques-uns versaient des pleurs. M. Laffitte, comme président, devait lire la déclaration de la chambre ; mais un des députés qui l’accompagnait s’avança et lui prit le papier des mains, pour en donner lecture. Au moment où le député prononçait ces mots : « Le jury pour les délits de presse », le duc d’Orléans se pencha vers M. de Lafayette, et lui dit avec bonhomie : « Il n’y aura plus de délits de presse. » La harangue achevée, il répondit, en mettant la main sur son cœur, ces paroles ambiguës, et singulières pour la circonstance : « Comme Français, je déplore le mal fait au pays et le sang qui a été versé. Comme prince, je suis heureux de contribuer au bonheur de la nation. » Les députés applaudirent. Les maîtres de l’Hôtel-de-Ville frémissaient d’indignation. Alors, le général Dubourg s’avança, et la main étendue vers la place remplie d’hommes armés, il dit : « Vous connaissez nos droits ; si vous les oubliez, nous vous les rappellerons. » Enhardi par la bienveillance de Lafayette, le duc d’Orléans répondit avec une habile fermeté, et comme un homme indigné de voir suspecter son patriotisme. Toutefois, en sortant de l’Hôtel-de-Ville, le prince n’était pas entièrement rassuré. S’étant trouvé pendant quelques instants