Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/390

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de M. Laffitte, si, dans ses efforts pour créer une dynastie nouvelle, il avait cru de bonne foi qu’il allait donner à la société des fondements nouveaux. Que si, au contraire, il n’avait eu pour but que de fixer le pouvoir dans la classe moyenne, il eut tort de se repentir même vaguement de ce qu’il venait de faire, car il avait réussi, et, grâce à lui, entre l’ancien régime dissous et la démocratie comprimée, la révolution bourgeoise de 89 allait reprendre son cours.

Quant à M. de Lafayette, il pouvait tout alors et ne décida de rien. Sa vertu fut éclatante et funeste. En lui créant une influence supérieure à sa capacité, elle ne servit qu’à annuler, entre ses mains, un pouvoir qui, en des mains plus fortes, aurait fait à la France d’autres destinées. M. de Lafayette avait cependant plusieurs des qualités essentielles au commandement. Ses manières présentaient comme son langage un mélange singulier de finesse et de bonhomie, de grâce et d’austérité, de dignité sans morgue et de familiarité sans bassesse. Pour les uns il était resté grand seigneur quoiqu’il se fût mêlé à la foule pour les autres il était né homme du peuple en dépit de son illustre origine. Heureux privilège que celui de conserver tous les avantages d’une haute naissance en se les faisant pardonner ! Ajoutez à cela que M. de Lafayette avait tout à la fois la pénétration des esprits sceptiques et la chaleur d’une âme croyante, c’est-à-dire la double puissance d’entraîner et de contenir. Dans les réunions de la charbonnerie il savait parler avec feu. À la chambre, c’était un discoureur aimable et spirituel. Que lui