Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/405

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pirait la pratique du pouvoir. Il dit qu’il n’était pas homme de cour ; que ses habitudes, que ses affections étaient républicaines. Le prince répondit qu’il n’y aurait plus de cour, et que, pour son compte, il regrettait de ne pouvoir vivre dans un pays républicain comme l’Amérique. Dupont (de l’Eure) ne cacha rien de ses appréhensions, et, durant tout cet entretien, son langage fut celui d’un homme libre.

Mais quelle pouvait être la place d’un citoyen de cette trempe, au sein d’une monarchie nouvelle, et au milieu de parvenus s’essayant à la flatterie, aux belles manières, à l’intrigue ? Une raison droite, un bon sens inexorable, des allures franches, une bonté mêlée d’honorable rudesse, une grande application aux affaires, ce ne sont pas là des qualités suffisantes pour dominer les complications qui naissent, dans un milieu corrompu, du croisement des intérêts et du jeu des passions. M. Dupont (de l’Eure) entrait au pouvoir avec des qualités semblables à celles de Roland, mais dans des circonstances bien plus défavorables, Or, on sait que Roland ne put se faire goûter de Louis XVI, qui était cependant bien propre à apprécier les vertus simples et modestes.

Il y avait, d’ailleurs, dans ce ministère, à côté de M. Dupont (de l’Eure), M. Guizot, homme sec et hautain, tout entier à son orgueil, passionné sous les dehors du calme. A son front noble, mais triste, à sa lèvre sèchement découpée, à son sourire rempli d’un froid dédain, à un certain affaissement du corps, révélateur des troubles de l’âme, il était aisé de le reconnaître. Nous l’avons vu, depuis, dans les assemblées on distinguait de loin, entre toutes les