Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/439

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cun quartier à attendre du vainqueur ; et qu’on ne saurait trop tôt soustraire à la fureur des rebelles le frêle, le dernier rejeton de tant de rois.

Aussi bien, la fidélité commençait à se décourager. On racontait, il est vrai, qu’un soldat s’était brûlé la cervelle pour se punir d’un moment de faiblesse, et que l’artillerie ne comptait qu’un seul déserteur. Mais des émissaires, envoyés de Paris, ne cessaient de souffler la désertion parmi les troupes. La division de grosse cavalerie, commandée par le général Bordesoulle, avait déserté en masse. Déjà quelques officiers parlaient de leur licenciement probable et commençaient à se préoccuper de leur avenir. Ceux, et c’était le plus grand nombre, qui, témoins des malheurs de la famille royale, auraient noblement oublié qu’ils en étaient victimes, remarquaient avec amertume l’absence de plusieurs grands personnages qui n’avaient jamais manqué aux fêtes de la monarchie. Quelques hommes de cour venaient-ils à passer, dans un costume élégant, au milieu de ces militaires aux vêtements souillés, les murmures redoublaient. Et puis, où était le roi ? où était le dauphin ? Quoi ! ces princes qui voulaient qu’on mourut pour eux, ne se montraient pas à cheval, l’épée à la main, et disposés, s’il le fallait, à combattre et à mourir ? Quelle honte y aurait-il, après tout, à abandonner un monarque qui s’abandonnait lui-même ?

A l’effet de ces discours s’ajoutait l’impression produite par la nouvelle, déjà connue, de l’abdication, et par les conjectures que faisaient naître les voyages mystérieux du comte de Girardin. On se