Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/458

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l’état des esprits dans toute la portion saine de la bourgeoisie.

Le lieutenant-général ne s’y trompait pas : aussi apportait-il dans toute sa conduite une prudence consommée. Toutes ses paroles respiraient un libéralisme intelligent. S’il parlait de la liste civile, c’était pour se plaindre de tout ce que le chiffre jusqu’alors assigné avait d’écrasant pour le peuple. M. Laffitte était dans un enchantement inexprimable. M. Dupont (de l’Eure) lui-même sentait ses défiances se dissiper insensiblement. Il voyait bien que la révolution allait à la dérive ; mais le poids de son chagrin retombait tout entier sur les doctrinaires, ses collègues ; et, le 4 août, M. Berard lui avait entendu dire : « Nous sommes envahis pas une faction aristocatico-doctrinaire, qui emploie tous ses efforts à faire avorter les germes de liberté semés par la Révolution. Je n’ai d’espoir que dans la loyauté du duc d’Orléans, qui me paraît animé des meilleures intentions, mais qui n’a pas toujours le degré de lumières que l’on pourrait désirer. »

le lieutenant-général, en effet, ne se montrait ni impatient, ni avide de domination. Il semblait attendre qu’on vint à lui, soit qu’il voulût faire bien sentir à la bourgeoisie, dont le triomphe était lié à son élévation, combien sa personne lui était nécessaire, soit qu’il ne fût pas fâché de se présenter à sa famille et à l’Europe comme une victime du bien public.

De leur côté, les courtisans ne paraissaient pas craindre de perdre sa faveur, en faisant violence à