Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/116

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dans un fossé. Le prince Frédéric était représenté animant ses soldats au carnage, et disant à ses artilleurs, avec le sourire sur les lèvres : « Courage, mes enfants ! bombardez cette méchante ville. Je vous en garantis le pillage. » Vrais ou supposés, ces affreux détails étaient avidement accueillis par la haine, toujours crédule, et ils rendaient une réconciliation désormais bien difficile.

Il ne restait donc plus à la Belgique, que deux partis à prendre : se déclarer indépendante, ou se jeter entre les bras de la France.

De ces deux partis, le premier paraissait bien hasardeux. En se détachant violemment de la Hollande, la Belgique brisait les traités de 1815. Le souffrirait-on en Europe ? Et, si on ne le souffrait pas, comment les Belges, privés de l’assistance des Français, maintiendraient-ils leur indépendance ? La guerre semblait imminente. Du sein même des négociations, pour peu que la France eût nourri des espérances de conquête, un orage universel pouvait sortir. Que deviendrait alors la Belgique ? Ne serait-elle pas, ce qu’elle avait été déjà si souvent, l’arène sanglante où les nations du premier ordre viendraient se disputer l’empire du monde ? Ne devait-elle pas se donner, pour n’être pas conquise ? Voilà ce que pensaient les hommes qui, tels que MM. Gendebien et Séron, avaient une âme inaccessible aux mesquines jalousies, et préféraient, pour leur patrie, l’éclat d’une existence forte, régulière, respectée, au frivole avantage d’une nationalité impuissante, condamnée à un rôle éternellement subalterne, ne vivant que des embarras de la diplomatie européenne,