Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/136

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tenir, et que les propriétés des riches ont eu pour protecteurs des hommes à qui on ne cède pas toujours pour leur sommeil les degrés d’une église ou le pavé des rues. Mais non. Cette générosité du peuple qu’on loue par des paroles vaines, en réalité on la calomnie, ou, plutôt, on la redoute. On craint que le peuple ne fasse de sa victoire un usage trop glorieux ; que sa souveraineté ne se manifeste par la vertu après s’être manifestée par la force. Si c’est dans l’intérêt de la révolution qu’on veut sauver les ministres, qu’on s’adresse donc, pour leur pardonner, à ceux qui l’ont faite, cette révolution, et non pas à ceux qui l’ont subie.

Ces discours semaient partout l’agitation. Le peuple se sentait insulté en quelque sorte dans sa dignité. En chargeant du soin de son honneur un pouvoir impopulaire et vieilli, on paraissait lui témoigner une défiance dont il s’indignait, après tant de preuves de modération. Le sentiment de l’égalité n’était pas moins blessé chez lui par cet apparent concert de tous les pouvoirs en faveur d’hommes appartenant aux classes qui fournissent à ces pouvoirs des candidats ou des soutiens.

Cette fermentation croissait de jour en jour. Bientôt des placards séditieux sont affichés dans divers quartiers ; des menaces couvrent les palissades du Luxembourg. Le 18 octobre, tandis que des bandes partent du Panthéon, et que d’autres parcourent la rue St-Honoré en chantant la Parisienne, une colonne se dirige sur le Palais-Royal, agitant un drapeau sur lequel on lit ce vœu : mort aux ministres ! Les grilles du jardin sont aussitôt fermées ; la garde