Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/166

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appréhensions en étaient devenues plus vives. Déjà, d’ailleurs, M. Laffitte commençait à ressentir pour le roi un éloignement qui n’était plus combattu que par le souvenir d’une longue amitié, et nous en dirons la cause, parce qu’elle montre de quelles petites circonstances dépendent les destinées d’un peuple dans les pays monarchiques.

Le roi avait acheté la forêt de Breteuil à M. Laffitte, dont la révolution de juillet avait embarrassé les affaires. Mais il importait au crédit de M. Laffitte que le plus grand secret couvrit cette vente qui, une fois ébruitée, pouvait éveiller les soupçons sur ses embarras financiers, alarmer les créanciers de sa maison, et l’exposer à des remboursements précipités. Il avait donc été convenu que l’acte de vente ne serait point enregistré.

Cependant, quelques banquiers, dont l’élévation de M. Laffitte excitait l’envie, avaient formé le dessein de le perdre. Poussé par eux, un conseiller intime de Louis-Philippe lui représenta que, dans la situation menacée où se trouvait M. Laffitte, traiter avec lui sans précautions était une imprudence ; que M. Laffitte avait trop de justesse dans l’esprit pour exiger que son royal acheteur abandonnât le soin de ses intérêts, en renonçant à la formalité protectrice de l’enregistrement.

Quoi qu’il en soit, le 18 novembre, M. Laffitte reçut de Louis-Philippe la lettre suivante :

« Mon cher M. Laffitte,

« D’après ce que m’a dit un ami commun, dont je ne vous dis rien de plus, vous devez bien savoir pourquoi j’ai profité de