Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de se reconnaître, en poussant droit au Niémen et en soufflant la propagande comme un vaste incendie dans toutes les provinces polonaises. Le peuple applaudissait à l’énergie de ces convictions, et, les regards fixés sur la France, n ne demandait qu’à tirer l’épée, sur de vaincre. L’élan fut prodigieux. On fit d’incalculables sacrifices. Les moines venaient offrir aux greniers publics une partie de leurs rations. Les femmes donnaient au trésor leurs boucles d’oreilles et leurs bijoux. Les citoyens riches levaient à leurs frais des escadrons. Jamais pareils dangers n’enfantèrent pareilles ressources.

Témoin de ce mouvement, Lubechi crut un moment à la possibilité du succès, et voulant savoir ce dont pouvait être capable ce Chlopicki qu’il avait d’abord effrayé, il lui parla déporter la guerre en Lithuanie, si la guerre lui semblait inévitable. Mais, comme tous les esprits étroits Chlopicki avait fini par prendre pour des inspirations qui lui étaient propres, toutes les frayeurs qu’on avait su lui inspirer, et il apportait à taxer de folie toute mesure énergique l’inexorable violence de son caractère. Irrité de l’immense désordre qui éclatait autour de lui et dont le côté sublime lui échappait, il ne pouvait regarder sans colère cette multitude armée qui roulait sous ses fenêtres en chantant des hymnes de guerre et de liberté. Les hommages même dont on l’endurait, les cris où se mêlait le culte de son nom, lui causaient une impatience brutale. Il ne tarda pas à prendre son parti. Au gouvernement mixte formé dans la nuit du 29 novembre avait succédé un septemvirat dont le prince Czartoryski