Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le dictateur brûlait de faire la paix avec l’empereur de Russie. De son côté, le prince Lubecki avait compris que, faute de se précipiter, la révolution allait périr. Calculateur égoïste, impassible, il s’offrit pour négociateur, sans autre but que d’aller reprendre sa place dans la faveur du maître et accompagné de M. Jezierski, il se mit en route pour St-Pétersbourg.

Son départ abandonnait Varsovie à l’empire de la médiocrité. Comme il arrive toujours, les héros du 29 novembre, Wisocky, Zaliwski, avaient vu finir leur rôle avec le danger ; et l’effervescence du peuple n’était pas encore calmée, que déjà l’aristocratie[1] nouait ses intrigues, se disciplinait, envahissait les affaires par la diplomatie. Le prince Czartoryski se laissa porter à la tête de ce mouvement par inertie autant que par vanité. Quelques hommes entreprenants eurent pour lui de l’ambition ; ils lui créèrent une royauté dans leurs discours artificieux. On le nomma ministre des affaires étrangères ; mais le véritable ministre fut le comte Malachowski, aristocrate actif, intelligent, résolu.

Ainsi, pendant que Chlopicki s’étudiait à glacer au dedans l’esprit révolutionnaire, la révolution allait être représentée, au dehors, par Czartoryski, prince honnête, loyal, mais bercé dans les préjugés aristocratiques, et encore tout plein des souvenirs de l’amitié d’Alexandre. Et comme si ce n’était pas assez de tant d’ennemis, la démocratie

  1. En Pologne, aristocratie et noblesse sont deux choses fort distinctes : il ne faut pas l’oublier. Voir ce que nous avons dit cet égard, au 1er Chapitre.