Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/190

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Depuis quelque temps la colère du peuple semblait apaisée. On avait bien vu quelques groupes errer silencieusement autour du palais du Luxembourg ; mais les murs de la capitale n’étaient plus couverts de placards vengeurs, et on n’entendait plus des cris de mort sortir du sein des carrefours. Comment expliquer en effet qu’un peuple qui, au mois de juillet, s’était montré si magnanime et si fier de sa magnanimité, eût mis à demander quatre têtes une obstination aussi cruelle ? Ce n’était pas contre lui, d’ailleurs, que les ordonnances avaient été dirigées. S’il l’avait cru lorsqu’il était descendu armé sur la place publique, on avait assez fait pour le détromper. Aussi le Journal des Débats disait-il au sujet de la translation des ex-ministres : « Durant ce long trajet à travers un faubourg si populeux, et qui a pris une part si active aux journées de juillet, aucun rassemblement ne s’est formé, aucun cri ne s’est fait entendre chacun vaquait à ses travaux comme de coutume ; on eût dit que la curiosité même avait fait place à un sentiment profond des convenances. »

Mais tandis qu’on rendait ainsi justice au peuple, en paroles, les défiances du pouvoir se trahissaient dans des mesures dont l’excessive prudence pouvait être considérée par la multitude ou comme un complot, ou comme une injure. On faisait exécuter des travaux militaires aux environs de la capitale. Au château, disait-on, l’ordre avait été donné de préparer des fourgons, dans la prévision d’une fuite. Le général Lafayette, déjà commandant en chef des gardes nationales du royaume, était investi du com-