Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/204

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de justice, le double pouvoir de définir le crime et de créer la peine. Mais c’eût été pousser la révolution hors de la charte, ce que redoutaient par-dessus tout les plus clairvoyants défenseurs du château. M. Persil s’éleva donc avec vivacité contre cette doctrine.

Toutefois, comprenant lui-même combien était fragile l’échafaudage de l’accusation, il prit soin de masquer sous la rudesse de son langage la pauvreté de sa logique. Les mots perfidie et lâcheté sortaient à chaque instant de sa bouche. Il fut amer, provocateur, implacable. Orateur des rancunes de la bourgeoisie, il jouissait avec un emportement sauvage de la satisfaction d’écraser les représentants vaincus de cette aristocratie, naguère si dédaigneuse et si arrogante.

Pendant le réquisitoire de M. Persil, M. de Polignac n’avait rien perdu de son calme. M. de Peyronnet, au contraire, lançait sur son accusateur des regards pleins de colère et les mouvements brusques qui souvent lui échappèrent trahissaient en lui la révolte de l’orgueil blessé. Il se lève enfin à son tour, et il prouve qu’on a fait entrer dans l’acte d’accusation dressé contre lui une circulaire antérieure d’un mois à son entrée aux affaires. M. Persil se trouble, il balbutie des explications insuffisantes. Alors, d’une voix lente et solennelle : « Monsieur, lui dit l’accusé, vous provoquez de grands châtiments la vérité est pour nous un droit, pour vous un devoir. » Cet incident, peu sérieux en lui-même, fit néanmoins sur l’assemblée une vive impression. Les uns étaient surpris, les autres indi-