Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me prévient qu’il ne serait pas prudent de tenir une séance de nuit. »

La chambre des députés s’est réunie de son côté ; et l’inquiétude n’y est pas moins grande. M. Laffitte essaie d’y rassurer les esprits, en attribuant les mouvements de la capitale à des agitateurs peu nombreux ; mais à peine est-il descendu de la tribune, que les députés l’entourent avec des signes de douleur et d’effroi. M. Dupin aîné s’écrie que puisque la représentation nationale est menacée et qu’on parle d’envahir la demeure royale, il faut de la fermeté, et que céder une fois, c’est se résigner d’avance à céder toujours. « Séparons le peuple de ceux qui veulent l’égarer, » ajoute M. Odilon Barrot dans un discours vivement applaudi. Le président se lève à son tour, pour inviter la chambre à reprendre avec calme le cours de ses délibérations. Mais l’agitation était extrême, et nul n’osait arrêter sa pensée sur les orages prévus pour le lendemain.

Il y avait à Paris, à cette époque, un bravo nommé Fieschi, espèce de scélérat bel esprit, âme basse, cruelle et audacieuse à l’excès. Cet homme qui n’appartenait à aucun parti, et mêlait une exaltation grossière à une cupidité sans bornes, était, cependant, né en Corse, pays habité par une noble race, par une race aussi loyale qu’intrépide. Il avait rassemblé autour de lui quelques misérables, dignes de lui servir de soldats, et ils se tenaient prêts pour un coup de main.

Du reste, et en dehors de ces factieux de hasard, recrues de l’émeute, trois partis pouvaient des-