Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/228

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partis s’agitaient, sinon pour diriger les passions de la multitude, au moins pour en mettre à profit l’explosion et c’est à peine si, durant plusieurs heures d’attente mortelle, quelques gouttes de sang avaient coulé.

L’histoire n’offre peut-être pas de plus étonnant spectacle. Pour le comprendre, il faut se rappeler qu’en France les destinées du peuple avaient toujours été subordonnées à celles de la bourgeoisie. Toujours, si ce n’est en 1793, époque exceptionnelle, époque sublime, effroyable et sans nom, les hommes du peuple avaient combattu pour le compte de la bourgeoisie et à sa suite. La révolution de juillet elle-même n’avait été que l’effet de cette alliance tacite et sans conditions. Ici, pour la première fois, les deux puissances se rencontraient face à face, et elles s’arrêtaient, étonnées de se trouver ennemies.

Cependant la nuit est venue. Des feux s’allument dans les rues et sur les places. La garde nationale bivouaque comme sur un champ de bataille. Soit crainte, soit prévoyance, la plupart des habitants de ce quartier, devenu un camp, placent des lampions à leurs fenêtres. Réunis dans la galerie de Rubens, les pairs délibèrent. La délibération devrait. durer plusieurs jours, si les formes ordinaires étaient suivies ; mais les moments sont précieux ; les juges, du haut des croisées du palais, peuvent’voir briller de nombreux faisceaux d’armes il faut absolument que l’arrêt soit prêt dans la soirée. Soutenus par ce point d’honneur, hypocrisie de la crainte, ils ont tous été fidèles à l’appel ; mais à mesure que le dénouement approche, le courage les abandonne. Au