Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/265

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raient Sébastopol et son escadre, Odessa et ses magasins. »

Ces discours étaient applaudis avec enthousiasme. Ils entretenaient, ils enflammaient l’opinion et à force de désirer le salut de la Pologne, on finissait par l’espérer. Mais avoir de son côté la justice n’est, pour les peuples comme pour les individus, qu’une médiocre chance de triomphe !

Et pourtant, la puissance de la Russie était en réalité beaucoup moins formidable qu’en apparence ; et les orateurs de l’opposition, tels que MM. Lamarque, Bignon, Mauguin, ignoraient eux-mêmes jusqu’à quel point la généreuse politique conseillée par eux était une politique savante, une politique d’affaires. Le Czar connaissait trop bien les ressources de son empire pour n’avoir pas conçu, des choses qui se passaient en Pologne, un immense effroi. Tant qu’il avait vu la Pologne s’agenouiller devant sa colère dans la personne de Chlopicki, il avait déployé cet orgueil démesuré propre aux despotes, et c’était alors qu’il avait écrit ces mots sauvages : « Je la roulerai. » Mais quand il apprit que les Polonais en appelaient à Dieu et à leur épée ; que la dictature de Chlopicki ne pouvait l’emporter sur la révolution, et que la déchéance de la maison de Romanoff était prononcée, il tomba tout-à-coup dans le plus étrange abattement. M. de Mortemart, dont la voiture avait été arrêtée par les neiges entre Koenisberg et Memel, et qui n’était arrivé à St.-Pétersbourg qu’après les résolutions énergiques prises par la diète de Varsovie, M. de Mortemart fut surpris de la tristesse de l’empereur. Nicolas