Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/360

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légitimiste lui-même l’ancien type national. Parmi eux s’étaient réfugies, dans une société que le mercantilisme avait envahie, ces traditions de légèreté moqueuse et de turbulence intelligente, ce goût des aventures, cette impétuosité dans le dévouement, cette gaîté dans le péril, ce besoin d’agir, ces vives façons de traiter les choses sérieuses, qui constituaient autrefois les caractères saillants de la nation. Ainsi, par un contraste bizarre, la préoccupation des choses de l’avenir se voyait précisément chez ceux dont les qualités personnelles rappelaient le mieux le côté brillant du passé.

Mais ces qualités, qui n’excluaient assurément aucun genre d’aptitude politique, étaient loin de répondre aux tendances grossières et matérialistes de la classe dominante. Le parti républicain, d’ailleurs, était difficile à conduire. S’il avait les vertus de tout ce qui est fort et viril, il avait, en revanche, des vices graves : une exubérance d’ardeur de l’étourderie dans le courage, une aveugle foi dans l’efficacité des coups de main, un secret penchant à se défier des hommes supérieurs, l’intolérance, l’indiscipline. Ces vices, une habile direction les eût fait sans peine servir à l’accomplissement des plus vastes desseins. Malheureusement les chefs du parti se trouvaient dans un milieu où tout leur était obstacle. Repoussés par le gros de la bourgeoisie qui les traitait de rêveurs dangereux, sans action sur l’ensemble des affaires, privés de la consistance que donnent les positions acquises, incessamment menacés par le pouvoir ou calomniés par la police, il ne leur fut loisible ni de régler leur