Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/384

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mûrs. Ce fut sur cette classe, la plus malheureuse, que le choléra sévit d’abord, et sévit le plus long-temps, car la fortune s’attaque de préférence à ceux qu’elle a déjà frappés. Le reste de la Pologne présentait le même spectacle. C’était dans les lieux où règne la misère, où l’hygiène est impossible, où sont agglomérées les familles, toujours nombreuses, des pauvres que la maladie était le plus terrible. Le paysan polonais la voyait pourtant sans frayeur et la supportait sans se plaindre. L’éducation du despotisme l’a endurci à toutes les fatigues de la vie, et rendu insoucieux de ses maux ; vêtu d’une espèce de blouse bleue, serrée par une ceinture, les pieds nus ou dans des chaussures déchirées, il s’en va aux champs, dès l’aurore, muni d’une pipe et d’un peu d’eau-de-vie de grain ; et il vit ainsi, misérable et résigné.

Le premier soin des médecins français fut de rechercher si le choléra était contagieux, c’est-à-dire s’il tenait à un virus communicable. Pour cela, ils essayèrent de s’inoculer la maladie, et avec ce courage qui a de tout temps honoré la science, ils s’imprégnèrent du sang des cholériques, ou des autres fluides émanés de leurs cadavres ; mais aucun d’eux n’en souffrit. Et comme le choléra n’atteignait ni les médecins qui assistaient les malades, ni les infirmiers qui les soignaient, ni aucun de ceux que la charité conduisait dans les hôpitaux, ils conclurent de ces faits que le fléau n’était pas contagieux.

L’opinion contraire prévalut cependant parmi le peuple. On disait que le choléra avait été importé à Dantzig par des navires venant de Russie ; on fai-