Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/395

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Sabouroff, avec mission de lui apporter la nouvelle de la mort d’Alexandre, et de le saluer empereur. En s’entendant traiter de majesté par l’envoyé de Nicolas, Constantin entra dans une fureur épouvantable. Partagé entre le désir de régner et celui de ne point trahir sa promesse, il ordonna qu’on le laissât seul. La princesse de Lowicz elle-même ne put lui parler dans ce moment solennel, ni l’approcher mais, de loin, elle lui fit signe et joignit ses mains d’une façon suppliante. Renfermé dans son appartement, Constantin en sortit deux heures après. Les meubles brisés, les glaces en pièces, attestaient la manière dont s’étaient épuisés les transports de cette âme sauvage. Maintenant il montrait un visage tranquille. Il marcha vers la princesse de Lowicz, tout entière à ses perplexités, et lui dit : « Rassurez-vous, Madame : vous ne régnerez pas. »

Sabouroff revint dans la capitale des czars. Sûr de l’assentiment de son frère, et vainqueur d’une conspiration qui mit la famille des Romanoff à deux doigts de sa perte, Nicolas se voyait décidément empereur. Il ordonna les préparatifs de son couronnement. Mais, pour qu’il ne restât aucun doute sur sa légitimité dans l’esprit des vieux Russes dont son frère reproduisait plus fidèlement que lui la physionomie et le caractère, il aurait fallu que Constantin vînt à Moscou répondre par sa présence à tous les soupçons. Nicolas l’attendit pendant long-temps avec anxiété. Enfin, la veille du jour d’abord fixé pour le couronnement de l’empereur, Constantin descendait de voiture, accompagné d’un seul aide-de-camp. Nicolas s’avança radieux et attendri ; mais sa sur-