Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/452

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mand Marrast avait donné au système des garanties publiques un développement que M. Dupin jeune se hâta de déclarer dangereux. Selon lui, la diffamation, même à l’égard d’un fonctionnaire, n’était pas permise, lorsqu’elle ne s’appuyait que sur des présomptions, fusses-elles fortes, que sur des témoignages, fussent-ils honorables. Et, dans ce cas, il ne devait pas plus être loisible aux écrivains d’accuser sous forme dubitative que sous forme affirmative, le premier mode n’étant qu’un artifice de langage.

Dans le cours de ces débats, M. Bascans, gérant de la Tribune, produisit une lettre d’un des premier fabricants d’armes de Londres, M. Backwith, celui précisément auquel M. Gisquet avait confié l’inspection des fusils. l’incident était curieux. M. Bascans, quelques jours avant le procès, s’était rendu à Londres ; il s’était présenté à Beckwith comme chargé de faire un armement considérable, et avait prié le fabricant de lui faire connaître ses prix par une lettre qui pût être communiquée aux personnes intéressées dans l’entreprise. C’était cette lettre que M. Bascans mettait sous les yeux du tribunal, et on y lisait : « un fusil avec sa baïonnette, et de la même qualité sous tous les rapports que les fusils fournis à M. Gisquet par le gouvernement britannique, vous coûtera 26 fr. 50c.[1]. » On ne tint nul compte de cette lettre, quelque significative qu’elle fût. En soutenant la théorie des attaques personnes, M. Armand Marrast avait attribué à la presse un droit d’investigation qui devait effrayer, à une époque de décadence. Il fut condamné à trois mille francs

  1. Elle était déposée au greffe de la cour royale.