Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/192

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ils commirent des horreurs. Ayant pénétré dans l’église de Saint-Étienne-du-Mont, ils profanèrent les vases sacrés, foulèrent aux pieds les saintes hosties, poursuivirent jusque dans un souterrain de l’église un malheureux qui fut égorgé tenant un crucifix dans ses bras. De là, se répandant sur la ville, ils se firent un jeu du pillage et du meurtre, ne justifiant que trop bien le langage de ceux qui s’étaient écriés à l’approche d’une telle invasion la cour de Rome nous livre à des brigands.

Le lendemain les magistrats de Forli étaient députés au cardinal Albani pour lui offrir l’entrée de la ville. Les pontificaux, en effet, occupèrent Forli, sans qu’on leur opposât la moindre résistance. Les habitants s’étudièrent même à leur faire bon accueil, espérant adoucir par là ces âmes farouches. Mais une rixe s’étant élevée par hasard entre un soldat et un homme du peuple, celui-ci fut tué. Aussitôt un cri terrible s’élève de la place, où les papalins étaient rangés en bataille : Tue ! Tue ! Pille ! Pille ! Ce fut une affreuse boucherie. Le cardinal Albani, qui était attendu dans la soirée, arriva quand le carnage fumait encore. Il fit son entrée à Forli, au milieu des plaintes des mourants et à travers des rues jonchées de cadavres. Puis, dans une proclamation publiée le jour suivant, cet exécrable massacre prit le nom de triste accident, et, pour indemniser tant de pauvres familles plongées dans le deuil, le cardinal n’eut pas honte de proposer une somme de 1,500 francs à prendre sur la caisse de la ville[1].

  1. De semblables abominations ne seraient pas croyables, au 19e siècle,