Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/204

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et de manière à ne laisser à la multitude, soudainement attaquée, aucun moyen de se dissiper, ni aucune issue pour s’enfuir. Les soldats marchaient par files et s’avançaient en silence, les tambours portant leur caisse sur le dos. Ici, à travers la place Saint-André, les grenadiers, conduits par le commissaire de police Vidal ; là, le long de la rue du Quai, les voltigeurs conduits par le commissaire de police Jourdan. Tout-à-coup, du côté de la place Saint-André, un cri terrible se fait entendre : « soldats, en avant ! » Le commissaire de police a disparu, aucune sommation n’est faite ; les grenadiers entrent dans la rue au pas de charge et la baïonnette croisée. Saisi d’étonnement et d’épouvante, la foule se précipite du côté opposé ; mais à l’instant même paraissent, à dix pas d’elle, les voltigeurs qui s’avancent rapidement et que le commissaire de police Jourdan ne peut parvenir à arrêter. « Cernez et piquez », tel est l’ordre féroce qui s’échappe de la bouche d’un officier. Les soldats s’élancent, se déployant, des deux côtés, sur toute la largeur de la rue, et perçant de leurs baïonnettes les malheureux qu’ils peuvent atteindre. Ce fut bientôt un spectacle abominable et déchirant. Des femmes sont renversées et foulées aux pieds, des enfants qui fuient sont frappés par derrière. Les cris grâce ! au secours ! on m’assassine ! se font entendre de toutes parts. Les uns cherchent à se glisser le long des maisons, mais ils vont se heurter aux fusils du troisième rang, plantés dans le mur ; les autres se pressent contre les fenêtres d’un cabinet littéraire où un asile leur