Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/205

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est promis, mais ils ne peuvent tous échapper au danger. Un conseiller à la cour royale de Grenoble, M. Marion, n’a que le temps de se jeter dans l’allée du magasin Bailly, où il trouve un homme dont la chemise est couverte de sang. Un jeune homme veut protéger une femme, il a le bras percé d’outre en outre. Un ébéniste, nommé Guibert, se voyant entouré, dit au grenadier qui marche sur lui : « je ne fais pas de bruit ; ne me frappez pas. » il reçoit aussitôt un coup de baïonnette dans l’aine, et poursuivi par deux autres grenadiers, il va tomber sans connaissance aux pieds de la statue de Bayard !

Un long et morne silence suivit cette sanglante aggression. Toutes les places, toutes les rues, avaient été occupées militairement, et l’indignation se renferma d’abord dans les cœurs.

Mais, le lendemain, Grenoble présentait l’aspect le plus sinistre. Dès la pointe du jour, les habitants étaient sortis de leurs maisons : bientôt une foule immense inonda la ville. Sur tous les visages se peignaient à la fois l’Inquiétude et la colère. On disait le nom de chaque blessé, le nombre et la gravité des blessures ; on racontait avec exaltation, dans leurs plus affreux détails, les événements de la veille, et de toutes les bouches sortaient des paroles de malédiction.

Il n’y avait donc plus de sécurité pour les citoyens, s’il était permis à un préfet, au protecteur naturel de la cité, de faire succéder à la licence d’une partie de plaisir les horreurs d’une guerre civile ! Mais quoi ! il n’y avait pas eu guerre ici ;