Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/159

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prévue dans les ténèbres, et la déroute des Turcs fut complète. Le grand-visir, que des cavaliers égyptiens avaient rencontré courant, tout effaré, sur le champ de bataille, et jouant sa vie en soldat, le grand-visir était prisonnier. Il se croyait perdu : par une bizarrerie qu’expliquent les mœurs orientales, Ibrahim le salua comme son chef, but dans la coupe dont Reschid-Méhémet hésitait à approcher ses lèvres, craignant qu’on n’y eût mis un breuvage empoisonné, et lui donna toutes les apparences du commandement dont il gardait la réalité. La bataille de Koniah décidait tout. Ibrahim n’eut qu’à étendre la main sur la Syrie. Il pouvait plus encore. Qu’il criât : en avant ! et Constantinople était à lui.

Telle était, au commencement de l’année 1833, la situation des choses en Orient. Pour peu qu’Ibrahim tardât à détrôner Mahmoud, les véritables vainqueurs à Koniah, c’étaient les Russes. Ne venait-on pas de leur fournir l’occasion d’aller, comme protecteurs du sultan, dresser leurs tentes sur les rives du Bosphore ? Et en effet, à la première nouvelle du désastre de Koniah, Mahmoud, glacé d’effroi, s’était tourné vers Sébastopol. Qui le croirait ? En présence de ces graves complications, si lentement préparées, le Cabinet des Tuileries se trouva pris au dépourvu. Il n’avait pas d’ambassadeur auprès de la Porte ; et son chargé d’affaires, M. de Varennes, était sans instructions.

Il fallait pourtant que le gouvernement français prît un parti ; et, puisqu’à tort ou à raison il jugeait possible l’inviolabilité de Constantinople, il devait, ou se prononcer avec énergie contre Méhémet-Ali.