Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/318

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toute occasion de Napoléon, de ses projets, de ses batailles, et ne lui parlant pas plus de Louis-Philippe que s’il se fut agi d’un prince entièrement étranger à la vie politique de l’Europe et à la famille des souverains. Le maréchal Maison ne voulut pas de ce rôle. Avant d’accepter l’ambassade de Russie, il demanda si son titre serait respecté à l’égal de sa personne, et il ne partit pour St-Pétersbourg qu’après avoir obtenu à cet égard de M. Pozzodi-Borgo les assurances les plus formelles. Son passage à Berlin fut marqué par diverses circonstances significatives ; il en est une qui mérite d’être rapportée. Le maréchal Maison, lorsqu’il était question d’un événement accompli, se vantait assez volontiers de l’avoir prévu un jour qu’il avait cédé à l’empire de cette habitude devant les princes de Prusse : « Eh bien ! Monsieur le maréchal, lui dit en raillant le plus jeune d’entre eux, puisque vous savez si bien les choses de l’avenir, qu’arrivera-t-il dans cinq ans d’ici ? – Monseigneur, répondit le maréchal en se redressant et de l’air d’un vieux soldat qui s’adresse à un jeune homme, nous verrons dans cinq ans ce que nous avons déjà vu beaucoup de manifestations malveillantes, mais pas une action. » Ce trait peint le maréchal. A Vienne, il s’était montré ferme, presque hautain, et, par un mélange convenable d’urbanité et de fierté, il avait déconcerté plus d’une fois la princesse de Metternich qui, ne l’aimant pas, s’était plu à lui déclarer une guerre de paroles. Rude et violent comme un soldat, mais doué de la finesse du paysan, il ne fut pas plutôt à St-Péters-