Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/320

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effet devait produire sur une aristocratie nourrie de vanités futiles, de tels aveux faits avec une aisance parfaite et la fierté d’un plébéien sûr de lui-même. L’empereur ne tarda pas à savoir ce qui s’était passé, et son estime pour le maréchal s’en accrut. Les défauts mêmes de notre ambassadeur le servirent. Il avait gardé de la vie des camps une liberté de mœurs qu’il n’avait nul souci de voiler, et l’âge n’avait pas éteint chez lui tous les feux de la jeunesse. A Saint-Pétersbourg, une passion de théâtre l’ayant vaincu, il dédaigna de s’en cacher. L’imprudence était grande ; car Nicolas, soigneux de sa dignité, affectait une austérité imposante. Cependant les façons du maréchal ne lui déplurent pas, et il lui sut gré de sa franchise toute militaire. Bientôt, entre l’empereur et le maréchal Maison, il s’établit une intimité de propos hardis dont la faveur n’avait jamais été accordée à aucun courtisan russe, quelqu’eût été son crédit. Il est un châtiment de l’orgueil qui fait partie de l’orgueil même : l’ennui et les plus fiers souverains sont à ce point esclaves de leur propre majesté que, pour se sentir un peu libres, ils sont quelquefois obligés de descendre. Soit tolérance exceptionnelle, soit fatigue du rang suprême, l’empereur en était venu à ouvrir aux témérités du maréchal Maison une oreille complaisante ; et celui-ci profita comme ambassadeur de tout ce qu’il avait su se faire permettre comme soldat.

Il y avait alors parmi les personnages les plus influents de la Cour de Russie, non pas précisément deux partis opposés, mais deux tendances diverses.