Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/376

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d’injustice. Mais comment fut-elle amenée à se dessaisir d’une partie de son autorité politique, au profit d’un roi ? Quels motifs la poussèrent à placer en face d’un principe électif, fondement de sa puissance, un principe opposé, rival, ennemi : le principe héréditaire ? Par quelle inconséquence mystérieuse en vint-elle, après avoir renversé l’édifice aristocratique, à en reconstruire le sommet, qui est la royauté, de manière à s’en faire à elle-même un abri ? Je ne crois pas que, parmi les contradictions nombreuses qui marquent l’histoire de l’esprit humain, on en puisse citer une qui ait été plus éclatante. Une bourgeoisie monarchique est un non sens.

Et voilà précisément pourquoi les publicistes de la bourgeoisie française avaient imaginé le procédé qu’ils formulèrent en ces termes : le roi règne et ne gouverne pas. De sorte qu’ils auraient voulu la monarchie sans aucune des conditions de la monarchie ; de sorte qu’ils déclaraient la royauté nécessaire, pourvu qu’elle se maintînt à l’état de statue immobile dans sa niche ; de sorte qu’ils admettaient dans le roi le chef de l’État, pourvu qu’il ne fût que le serviteur muet du parlement ! Pitoyable illusion ! Que peuvent contre la force des choses, des procédés de sophiste et des artifices de rhéteur ? Le moment approchait où la bourgeoisie, qui avait désiré un roi pour esclave, en aurait un pour maître.

M. Duvergier de Hauranne et ses amis le pressentirent bien mais, pour conjurer le danger, il aurait fallu qu’ils renonçassent à des fictions vaines, et ils