Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/407

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et par un avocat, on arriverait inévitablement à rendre le procès impossible, le nombre des prévenus étant tellement considérable, que la plupart des juges seraient mis hors de combat avant la fin des plaidoiries, chargés qu’ils étaient d’ans et d’infirmités. C’était raisonner juste, s’il ne se fût agi que de soustraire à la condamnation les accusés qu’elle menaçait ; mais la question avait été placée plus haut : c’était le parti républicain qui, comme parti, voulait entrer dans la lice. Et voilà ce que M. Jules Favre ne comprenait pas assez. Il objectait aussi sa qualité d’avocat et les devoirs que lui imposait une aussi sainte mission. Il ne voulait pas, pour faire réussir des combinaisons de parti, dont l’avantage lui semblait controversable, manquer à l’appel des accusés auxquels il plairait de lui confier les intérêts de leur liberté ou de leur vie.

La défiance est le caractère distinctif des partis en lutte, et ils supposent volontiers le mal. Bien que l’opinion de M. Jules Favre se pût expliquer par des motifs très-honorables, les plus ardents la condamnèrent comme puisée aux sources de l’égoïsme et de l’amour-propre. Membre du barreau de Lyon, où il s’était fait remarquer, jeune encore, par une intelligence d’élite et un talent d’élocution incomparable, M. Jules Favre fut accusé de n’être venu chercher à Paris qu’un théâtre plus digne de ses facultés brillantes, et Armand Carrel, qu’il avait eu d’abord pour allié, s’emporta jusqu’à lui adresser ces amères paroles : « Eh bien Monsieur, puisque vous persistez, nous ferons de tout ceci une simple affaire correctionnelle. »